C’est une période sourde.
Je n’en peux plus de dire que c’est un moment étrange, une année compliquée, une époque bizarre.
Période sourde. Où chacun de nos cris ne retentit pas.
Nos douleurs se cachent au fond du ventre qui manque de sommeil. Il n’y a plus de main assez lourde sur les joues de nos enfants, plus de comptine assez douce pour les rassurer.
Ils dorment avec des licornes en dessous de leurs oreillers.
Papa imparfait, je m’accroche pour une millième journée à ce rôle du maintien de l’espoir. L’espérance bricolée, réparée. Une Foi de rechange pour être brave. Quand mes enfants manqueraient de souffle, je serais une chambre à air pour qu’ils trouvent à respirer dans le vide.
Mais ma tête méchante me harcèle dans la douche, vulnérable: comment peut-on se tenir debout, en ce moment? Je le dis sans gêne, je veux dire la vérité: ma jarre à lumières précieuses est presque vide.
Je ne sais plus quoi dire devant ces regards d’anxiété profonde. Dans les yeux de nos enfants, il naît des vides pour lesquels je manque de voix.
Je ne peux pas serrer assez fort leurs corps.
Sauf que je m’accroche encore. Je vais continuer à m’accrocher. Je fais six pieds de grand et j’ai le cerveau blindé. J’ai la volonté dans le tapis, puis tout un instinct de survie. Jack Dawson dans Titanic, sans les cheveux parfaits.
Je sers un million de petits déjeuners. Je répète les gestes qui endorment bien.
Je trouve des rituels invincibles.
Parfois je vois ce qui brille au fond d’un regard doux échangé en soirée, quand la fatigue nous désarme. Je sais qu’elle est là, cette ficelle brûlée qui nous lie les uns aux autres. Maudit qu’on est poqués. Maudit qu’on fait tout ce qu’on peut.
Ce soir, notre grand Nathan joue à Fortnite, parce que j’ai pas la force de l’occuper à autre chose. J’ai même pas la force, ce soir, de tirer du shotgun sur des méchants avec lui.
Je lui dis qu’il a des beaux yeux. Que je suis fier de lui, de tout mon cœur. Il devient un jeune homme franc, aux manières douces, intelligent.
Mais quelque chose gronde.
Il a appris à me sourire pour me rassurer. Quelle horreur.
Marc-André
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