L’âge de raison! On le situe autour de 7 ans dans les histoires. C’est l’âge qui marque le passage de la petite enfance à l’enfance; ce moment où les enfants commencent à saisir le bien et le mal, et développent donc des notions de justice et de morale.
Cette étape importante est si marquée que depuis des siècles elle est soulignée, notamment à travers les contes, et ce, partout à travers le monde. On retrouve en effet de nombreux contes merveilleux qui sont parfaits pour ce groupe d’âge. C’est d’ailleurs ce que je vous suggère dans ce billet!
J’ai écrit « conte merveilleux », à quoi pensez-vous spontanément ? Des princes et des princesses ? « Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants » ? Vous n’avez pas tort, ces éléments sont présents dans certains contes merveilleux, mais la finalité de ceux-ci, une jeune personne en mariant une autre, est bien loin des préoccupations de vos 6-8 ans.
Je vous suggère donc plutôt des récits où grâce à sa capacité de raisonner, un enfant triomphe d’une aventure, et en fait bénéficier sa famille ou ses amis. Par exemple, le Petit poucet, Hansel et Gretel ou Jacques et le haricot magique pour ne nommer que ceux-là, un peu plus connus.
Ces contes merveilleux sont en fait une grande métaphore de l’étape que franchissent vos enfants. Ils ont maintenant conscience de leurs actes, savent prendre des décisions et poser des actions, qui auront des retombées positives – ou non – sur leur entourage. Bref, même à leur jeune âge, ils peuvent faire une différence.
Je vous propose ici l’histoire de l’ogre et des enfants. L’aventure placera le personnage de Janot dans des situations où il devra raisonner, prendre acte, prendre soin. Il serait tentant de terminer le conte par « La morale de cette histoire… », mais je vous invite à vous retenir !
Les contes merveilleux se terminent généralement sur une ouverture propre aux questionnements et aux réflexions, plutôt que sur une finalité dite et fermée. Si la discussion naît d’elle-même, n’hésitez pas encourager vos enfants à s’interroger sur le sens du récit. Or, il n’est pas nécessaire de forcer la discussion, vos enfants feront sans doute ce bout de chemin de toute façon, peut-être même sans s’en rendre compte!
Pssst… la même recommandation demeure à travers tous mes billets. Plutôt que de lire l’histoire à vos enfants, lisez-la pour vous quelques fois. Quand vous êtes en mesure de vous rappeler du canevas de l’histoire, ne la lisez plus! Racontez à vos enfants avec vos propres mots, comme ils viennent! Ce sera peut-être un peu différent chaque fois, mais peu à peu, vous créerez votre propre version.
Astuces
- « Et cric, et crac, et l’histoire sort du sac! » ou même le célèbre « Il était une fois… » permettent, au début d’une histoire, d’annoncer à ceux qui nous écoutent que nous plongerons bientôt dans l’imaginaire. Ces formulettes semblent anodines, mais elles peuvent donner un coup de pouce pour annoncer à nos enfants qu’il est temps d’écouter. Si vous dites la formulette en ralentissant le débit de votre voix et en regardant vos enfants, il y a de fortes chances qu’à force de le faire, cela capte leur attention et leurs évite de manquer le début! On peut aussi ajouter des formulettes à la fin pour clore ce moment d’écoute et ramener tout le monde dans le réel!
- Tant de livres d’histoires pour enfants sont écrits au passé simple, qu’on a tendance à raconter spontanément avec ce temps de verbe. Or, quand parlons-nous au passé simple ? C’est plutôt un temps de l’écrit! Je vous recommande donc de conter au passé composé et à l’imparfait, voire au présent. Des temps de verbe qui vous permettront d’être plus naturels, plus agiles, de garder un meilleur contact avec vos enfants… et d’éviter les mauvais accords!
- Conter est une occasion en or d’aider nos enfants à développer leur vocabulaire. N’hésitez pas à utiliser des mots précis, même si vous doutez que vos enfants en connaissent le sens. Vos enfants ne savent pas ce qu’est un berger ? Ce n’est pas grave! Si vous dites qu’un personnage garde des moutons et que dans le récit, tout le monde l’appelle berger, bingo, vos enfants viennent de capter un nouveau mot!
L’ogre et les enfants
Et cric, et crac, et l’histoire soir du sac!
Ce jour-là, pour son anniversaire, Janot venait tout juste recevoir de papa et maman un bâton… mais pas n’importe quel bâton! Un bâton sculpté et décoré, un bâton aussi grand que lui : un bâton pour garder les moutons. Ses parents étaient fiers.
-Janot, tu as atteint l’âge de raison. Dès demain, ce sera toi qui amèneras les moutons au champ derrière la maison; toi qui les guetteras et les protègeras.
-Oh! Un bâton de berger. Merci papa, merci maman! En attendant demain, je peux aller jouer dehors avec Janette? On pourra jouer au berger qui garde ses montons!
La petite sœur a acquiescé en tapant dans ses mains.
-D’accord les enfants, vous pouvez aller jouer, mais restez bien dans le champ derrière la maison. N’oubliez pas que dans la forêt tout au fond, il y a un ogre… ce serait dangereux de s’y aventurer.
Les enfants ont couru à l’extérieur. Dans le champ derrière la maison, Janot guidait des moutons imaginaires avec son bâton, aidé de sa petite sœur. Ils s’amusaient bien! Si bien… qu’ils sont bientôt arrivés tout au fond du champ, près de la forêt.
-Oh Janot, regarde, des fraises!
-Janette, tu sais bien qu’il est interdit d’aller dans la forêt.
-Oui, mais elles sont juste sur le bord…
Et Janette est allée en cueillir. Elle avait déjà la bouche pleine que son frère venait la rejoindre. Ensemble, ils ont mangé toutes les fraises. Puis Janot a relevé la tête : un peu plus loin dans la forêt, il y avait des fraises encore plus grosses.
-Toi, reste ici Janette. Je vais chercher de ces immenses fraises et je t’en ramène.
Janot s’est élancé… et Janette l’a suivi :
-Pas question que je reste en arrière, tu les garderas toutes pour toi!
Les enfants ont mangé toutes les fraises, puis Janette en a aperçu d’autres un peu plus loin, puis Janot d’autres encore. Les enfants s’aventuraient dans la forêt de talle de fraises en talle de fraises, quand tout à coup, Janot a remarqué le ciel qui devenait tout rose.
-Janette, il faut rentrer!
Ils ont fait demi-tour et ils ont marché, marché. Tout à coup, Janette s’est arrêtée :
-Cet arbre croche, ça fait trois fois qu’on passe devant! Oh Janot, on est perdus!
À ce moment-là, ils ont entendu un grand « boum » qui a fait vibrer le sol, puis un autre, « boum ». Ils se sont retournés, et là, entre les arbres, ils ont vu un ogre immense! Son visage n’avait qu’un seul œil et il tenait dans sa grosse main un bâton bien plus gros que celui de Janot : une massue. Janot a entraîné sa sœur derrière un rocher. Il a chuchoté :
–Je sais Janette, je sais, tu as peur… et moi aussi! Alors chut, ne fais pas de bruit!
L’ogre s’est arrêté près d’eux. Il reniflait.
-Ça sent le petit enfant! Hum… je sais que tu es là, sors de ta cachette.
L’ogre regardait derrière tous les troncs d’arbre. Il s’approchait de plus en plus de la roche.
-Janette, je vais essayer de faire distraction. Reste cachée ici et si je te cris de courir, cours aussi vite que tu le peux.
Là-dessus, Janot est sorti du rocher en brandissant son bâton.
-Eh l’ogre, c’est moi que tu sens! Tu ne me fais pas peur!
L’ogre s’est avancé vers Janot. Il a levé sa massue dans les airs. Comme il venait pour l’abattre, Janot s’est faufilé entre les jambes de l’ogre. L’ogre, s’est relevé.
-Où es-tu passé ? Je vais t’attraper et te manger tout cru!
-Je suis là!
Janot s’est mis a donner des coups de bâton dans les jambes de l’ogre. Alors l’ogre a levé à nouveau sa massue. Il l’a abattue entre ses deux jambes, mais avec tant de force, qu’il a fait une culbute et est tombé sur le sol. Alors Janot a crié :
-Vite Janette, prend ma main et cours, cours!
Les deux enfants ont couru aussi vite qu’ils pouvaient. Quand tout à coup, ils ont entendu le sol trembler derrière eux : « boum », « boum ». L’ogre s’était relevé et courait à leur poursuite. Les enfants ont accéléré le pas, puis ont dû s’arrêter : devant eux, il y avait une rivière. Impossible de la traverser. Ils ont regardé à droite, à gauche, et là, sur la rive un peu plus loin, ils ont vu une femme agenouillée près de la rivière. Elle lavait un grand drap blanc. Les enfants ont couru vers elle :
-Je vous en prie, aidez-nous, il y a l’ogre derrière nous!
La femme s’est relevée tout doucement. Elle a souri aux enfants.
-Cet ogre! Il terrorise tous les enfants qui s’aventurent dans les bois. Ne vous en faites pas, je vous ferai traverser.
La femme s’est levée, face à la rivière, et elle a fait un grand signe de la main :
-Ouh ouh ! Ouh ouh ! Es-tu là ?
De l’autre côté de la rivière, à travers la pénombre, les enfants ont vu une autre femme se lever.
-Ouh ouh! Ouh ouh! Je suis là!
Alors la femme à côté des enfants a tiré de la rivière le drap qu’elle était en train de laver. Elle l’a secoué dans les airs, l’a fait tournoyer au-dessus de sa tête, et en gardant une extrémité entre ses mains, a jeté le reste du drap vers l’autre rive. Le drap s’est alors étiré et étiré, jusqu’à ce que la femme de l’autre côté de la rivière réussisse à l’attraper. Les deux femmes ont tiré sur le drap pour le tendre.
–Allez-y les enfants, vite! Je vois l’ogre qui approche!
En effet, le sol continuait à trembler. L’ogre était arrivé à la rivière. Il a regardé à droite, à gauche, et a poursuivi sa course en grognant. Les enfants ont sauté sur le grand drap, et au pas de course, ont traversé la rivière. Ils étaient à peine de l’autre côté, que l’ogre arrivait à côté de la première femme. Elle s’est dépêchée de ramener le grand drap vers elle. L’ogre a grogné :
-J’ai vu! Tu as fait traverser ces enfants. Fais-moi traverser aussi ou je te mange !
-Tu veux traverser l’ogre ? Très bien, je te ferai traverser.
La femme s’est levée. Elle a fait un grand signe de la main :
-Ouh ouh ! Ouh ouh ! Es-tu là ?
-Ouh ouh ! Ouh ouh ! Je suis là!
La femme à côté de l‘ogre a fait tournoyer le grand drap au-dessus de sa tête, puis l’a jeté vers l’autre côté de la rivière. Il s’est étiré à nouveau jusqu’à ce que la femme de l’autre côté l’attrape et le tende.
-Vas-y l’ogre, tu peux traverser.
L’ogre a posé un immense pied sur le drap, puis un autre. Il a amorcé sa traversée. Mais juste comme il était au centre de la rivière, les deux femmes ont laissé tomber le drap. Et gloup! Gloup! Gloup! L’ogre est disparu dans la rivière.
Les deux enfants se sont retournés vers la femme qui était à côté d’eux. Janette l’a serrée dans ses bras :
-Merci! Merci! Vous nous avez sauvé la vie!
Janot l’a serrée à son tour :
-Oui, merci! Mais maintenant, il nous faut retrouver notre chemin. Je n’ai aucune idée d’où est notre maison.
La femme s’est alors penchée sur un panier en osier à côté d’elle. Elle en a tiré un morceau de tissu, pas plus grand que le creux de sa main. Elle l’a mis dans la main de Janot.
-Prends la main de ta petite sœur, serre très fort ce morceau de tissu, ferme tes yeux et rêve à l’endroit où tu veux te trouver. Tu verras, quand tu rouvriras tes yeux, tu y seras.
Janot a fait exactement comme la femme lui avait dit. Il a fermé ses yeux… et quand il les a ouverts, il était là, dans le salon de leur maison. Les parents étaient dehors sur le balcon. Ils criaient : « Janot ! Janette! Où êtes vous ? Rentrez à la maison! » Ils se sont dépêchés d’aller les retrouver.
Le lendemain, Janot s’est fait réveiller par la voix de son père :
-Janot, les moutons sont prêts! Et toi ?
Janot s’est assis dans son lit en se grattant la tête. Sa petite sœur dormait paisiblement dans le lit à côté de lui. Toute cette aventure avec l’ogre leur était-elle vraiment arrivée? C’est à ce moment qu’il a senti quelque chose dans sa main. Il y avait là le petit bout de tissu que la femme de la forêt lui avait donné. Janot s’est habillé, il a glissé le morceau de tissu dans sa poche en souriant, et il a pris son bâton de berger :
-J’arrive papa! Maintenant, je suis prêt!
Et cric, et crac, et l’histoire rentre dans le sac!
Marie
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